AFRIQUE

Kenya : 16 morts lors des manifestations, le gouvernement évoque un coup d’État avorté

Les tensions restent vives au Kenya après une nouvelle journée de manifestations violentes qui a fait au moins 16 morts et plus de 400 blessés, selon Amnesty International. Face aux critiques grandissantes sur la répression brutale, les autorités kényanes affirment avoir déjoué une tentative de coup d’État, dénonçant « une opération coordonnée de violence politique ».

Ce jeudi, la capitale Nairobi portait encore les stigmates des affrontements de la veille : bâtiments incendiés, vitrines brisées, commerces pillés… Un chaos que le ministre de l’Intérieur, Kipchumba Murkomen, impute à des « groupes financés » cherchant à semer le désordre. « Ce qui s’est passé n’était pas une manifestation mais du terrorisme maquillé en protestation », a-t-il déclaré lors d’une allocution télévisée, promettant une réponse « ferme et proportionnée » de l’État.

La journée de mercredi avait commencé par des marches pacifiques à travers plusieurs villes du pays, en hommage aux victimes des manifestations de 2024, durement réprimées. Mais la situation a rapidement dégénéré : jets de pierres, incendies, et tirs à balles réelles ont été rapportés. Les forces de l’ordre ont riposté avec des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes.

Le dernier bilan communiqué par Amnesty International fait état d’au moins 16 morts. Une coalition d’ONG, dont Human Rights Watch et Vocal Africa, parle de plus de 400 blessés, dont 83 grièvement. Parmi eux, plusieurs présentent des blessures par balle. Des policiers figurent également parmi les blessés. Des témoins évoquent des tirs à balles réelles dans plusieurs quartiers périphériques de Nairobi.

Devant la morgue de la capitale, la douleur est vive. Fatuma Opango y a identifié le corps de son neveu de 17 ans, Ian. « On lui a tiré sous l’œil, la balle est ressortie par l’arrière de la tête », confie-t-elle à la presse, appelant à la justice.

L’exécutif, lui, reste inflexible. M. Murkomen affirme que la majorité des blessés sont des policiers et que les forces de l’ordre ont agi avec « une retenue exemplaire », tout en maintenant que « le pays a évité une tentative de renversement du pouvoir ».

Dans la presse locale, les critiques pleuvent. Le quotidien d’opposition The Standard titrait ce jeudi : « Régime voyou ». Le journal dénonce une répression systématique, un gouvernement sourd aux revendications de la jeunesse et une démocratie fragilisée par l’usage abusif de la force.

Sur le terrain, de nombreux commerçants se disent ruinés. « Ils ont tout pris », déplore Maureen Chepkemoi, propriétaire d’une boutique de parfums pillée dans le centre de Nairobi. David Gitonga, propriétaire d’un immeuble commercial, estime les pertes de ses locataires à plus de 100 millions de shillings (environ 660.000 euros).

Les manifestations font écho à celles de 2024, déclenchées par une loi budgétaire impopulaire et des accusations de corruption. À l’époque, plus de 60 personnes avaient été tuées. La jeunesse kényane, toujours mobilisée, réclame désormais des réformes structurelles, des emplois, et la démission du président William Ruto, dont la popularité est en chute libre.